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Dans la jungle des AMM

Pour les firmes, obtenir une autorisation de mise sur le marché pour un produit phytos, c'est un peu comme la quête du Saint Graal : le chemin est long, semé d'embûches, et le résultat non garanti. Décryptage d'un sytème particulièrement décrié, qui va évoluer en France avec la loi d'avenir agricole.

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« Le risque, c'est le danger multiplié par l'exposition. » C'est l'équation que n'ont eu de cesse de répéter les différents intervenants du colloque organisé par l'Anses et l'Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments), les 28 et 29 octobre derniers, sur les expositions professionnelles aux pesticides. Durant la table ronde rassemblant les parties prenantes, le danger des produits phytosanitaires a rapidement été évoqué, et in fine, leur évaluation avant la mise sur le marché.

Un processus très critiqué

Car si c'est en théorie un sujet purement réglementaire, la question de l'évaluation et de la délivrance des AMM (autorisation de mise sur le marché) phytos est hautement sensible. Les firmes se plaignent des retards et blocages incessants (lire p. 8), les associations et les ONG dénoncent des évaluations trop laxistes ou opaques (p. 12) et la filière agricole pointe un manque de solutions, avec des usages non ou peu pourvus, même si la sortie du nouveau catalogue des usages est encourageante (p. 10). L'Anses, qui évalue les dossiers au niveau national, et la DGAL qui délivrait jusqu'à présent les AMM, sont soumises à de multiples pressions. Et ce n'est pas près de s'arrêter : avec la loi d'avenir agricole, le transfert de la délivrance des autorisations à l'Anses est acté (p. 10). Une décision quasiment désapprouvée à l'unanimité.

Parmi les derniers points de friction, le cas des substances répondant à des critères d'exclusion au niveau européen, jugées les plus préoccupantes. Elles seront a priori interdites lors de leur prochaine révision (approbation valable dix ans), mais d'ici là, il est toujours possible d'homologuer des produits contenant ces substances. Résultat, la DGAL freine la délivrance des AMM, au grand dam des firmes. Un blocage parmi d'autres, qui ont conduit « l'UIPP, avec l'ECPA, à demander à la Commission européenne d'intervenir auprès de l'Etat français pour qu'il se conforme au règlement (CE) n°1107/2009, sans devancer certaines de ses dispositions », explique l'UIPP, ajoutant que « ces blocages pénalisent non seulement l'agriculture française mais tous les Etats membres de la zone sud de l'Europe ». L'évaluation zonale nécessitant que la décision de délivrance soit prise pour que les autres pays puissent décider à leur tour.

Depuis quelques années, le nombre de nouveaux produits phytos conventionnels mis sur le marché est sur la pente descendante. Et pas uniquement en Europe (voir infographie), même si le nombre de matières actives autorisées y est plus réduit que sur d'autres continents. Comment expliquer ce phénomène ? « Il y a un double effet, estime Philippe Michel, directeur des affaires réglementaires et juridiques à l'UIPP, d'une part les exigences réglementaires deviennent de plus en plus lourdes, d'autre part c'est de plus en plus compliqué de trouver de nouvelles substances actives. » En pratique, comment marche l'homologation ? Il y a deux niveaux, européen pour les substances actives (SA), et national pour les produits. La mise en marché des produits phytos est régie par le règlement européen 1107/2009, entré en vigueur le 14 juin 2011. Les SA sont évaluées au niveau communautaire : la firme va faire sa demande auprès d'un Etat membre rapporteur. Il va réaliser un résumé du dossier pour une SA, qui sera transmis aux autres Etats. Après discussion, l'Efsa va évaluer le dossier, et rendre un avis à la Commission européenne, qui va autoriser, ou non, la SA à incorporer des spécialités commerciales. Ensuite, une fois la SA approuvée, il s'agit de demander une AMM pour un produit formulé. L'évaluation de celui-ci est zonale, mais l'autorisation est nationale. Si l'on prend le cas de la France, l'Anses va réaliser l'évaluation du produit, et émettre un avis sur lequel se basera la DGAL pour autoriser ou non la mise sur le marché du produit, et sous quelles conditions. « Nous instruisons de manière prioritaire les dossiers de biocontrôle, précise l'agence qui ne peut accepter qu'un nombre limité de dossiers. Dans le cadre de la procédure d'évaluation zonale, les intentions de soumission des dossiers sont notifiées à l'Etat membre rapporteur ciblé qui subordonne son acceptation aux moyens qui peuvent être mobilisés pour satisfaire aux exigences de qualité et de délais à respecter. » Côté coût, les firmes doivent verser 200 000 € pour l'évaluation communautaire d'une SA, et au niveau français par exemple, 40 000 € pour une nouvelle AMM et 2 000 € pour une extension d'usage mineur.

DOSSIER RÉALISÉ PAR MARION COISNE

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